Février 2025, trois loups présents en Bretagne
Quatre mois, trois loups… et quelques surprises
Loup en captivité – Hervé Ronné
Les quatre premiers mois de l’année 2025 en Bretagne ont été particulièrement riches en contacts photographiques de loups. Le Groupe Loup Bretagne a pu recueillir les photos et vidéos de 29 contacts sur quatre départements (Finistère, Morbihan, Côtes-d’Armor et Ille-et-Vilaine). En 2024, le GLB n’avait enregistré que onze contacts de loups durant les quatre premiers mois. En 2023, nous n’avions noté que trois contacts entre janvier et avril. Autre nouveauté, en février 2025, trois loups identifiés ont été localisés au cours d’un même mois en Bretagne.
Un premier janvier mémorable

Dès le premier janvier, c’est bien sûr l’extraordinaire observation d’un loup traversant à la nage la Laïta à Guidel, magnifiquement photographié par P. Gazeau. Ce loup, le désormais célèbre Loargann, avait été observé une première fois dans les monts d’Arrée en août 2024. En décembre, Bretagne Vivante avait enregistré par caméra piège de superbes images de ce loup dans la lande bretonne.

Loargann, phénotype n° 6. Dessin Alain Jean
Nous avons déjà retracé son parcours sur notre site. Il aurait pu poursuivre sa route vers le sud-est mais une semaine plus tard, il était de nouveau photographié dans les monts d’Arrée, où il était encore présent le 15 février. Aucune nouvelle image n’a permis de l’identifier depuis cette date.
Menez, le retour

Pendant ce temps, un autre loup était photographié à plusieurs reprises par des caméras pièges dans l’ouest du Finistère : le loup Menez. Une vieille connaissance que nous avions identifiée en tant que nouvel individu un an plus tôt, en février 2024.

Menez, phénotype n° 4. Dessin Alain Jean
Après une longue période de « silence médiatique », Menez a fait son retour le 14 janvier 2025. Il était encore présent en mars dans le même secteur occidental des monts d’Arrée.
La surprise Nouzil

Le troisième événement marquant de ce début d’année fut l’apparition d’un nouveau loup, reconnu comme tel pour la première fois en Bretagne à Hénon dans les Côtes-d’Armor, après avoir été photographié par A. Rat. Ce loup, au pelage bien reconnaissable avec son encolure claire sur le dessus, sombre sous la gorge, un plastron blanc et la racine de la queue claire, avait en réalité déjà été observé en Normandie et en Mayenne puis en Ille-et-Vilaine, où il s’était fait remarquer par les nombreuses attaques de brebis qui avaient émaillé sa progression vers l’ouest.

Nouzil, phénotype n°7. Dessin Alain Jean.
Il a reçu le nom de Nouzil, noisette en gallo, pour son pelage original, assemblage de noir, de blanc et de gris-beige évoquant les couleurs du café noisette…
Quelle allait être sa prochaine étape ? Nouzil allait-il rejoindre lui aussi les monts d’Arrée, comme les six autres loups bien identifiés qui l’ont précédé depuis mai 2022 ?
Cap vers le pays de Cornouaille
Original jusque dans son parcours, Nouzil a finalement choisi d’orienter sa route vers le sud du Finistère, longeant les Montagnes Noires pour faire halte en Cornouaille, à la frontière du Morbihan. C’est là qu’à partir de la mi-mars, Nouzil a sillonné en tous sens un domaine vital de plus de 500 km².

Carte des déplacements de Nouzil dans l’Ouest. Parcours établi en reliant chronologiquement 14 localités (points rouges) documentées par 16 contacts photographiques où ce loup a pu être identifié. Onze autres localités signalées par l’OFB (observations validées ou constats de dommages aux troupeaux) qui s’insèrent parfaitement dans ce parcours précisant les trajets, au titre d’étapes intermédiaires entre deux photo-identifications. (20 janvier – 28 avril 2025). © GLB
Nouzil, phénotype n°7. Dessin Alain Jean.
Passé par le Loiret

Comme Nouzil a souvent été photographié de jour au cours de ses déplacements, il a même été possible de retrouver des images d’une grande partie de son parcours au travers d’articles parus dans la presse régionale, du Centre-Val de Loire à la Normandie. De plus, 11 contacts manquants ont pu être replacés à partir des constats de dommages aux troupeaux ou d’observations attestées par l’OFB, tels que ceux que nous avions signalés dans un précédent article d’actualité « Ça bouge à l’Est ». C’est ainsi que nous avons pu repérer Nouzil au nord du Massif Central, photographié le 15 décembre 2024 à Dammarie-en-Puisaye dans le Loiret puis à Nottonville dans l’Eure-et-Loir le 21 décembre.
Suivi sur plus de 1000 km
Depuis 2022, en utilisant les principes de la science participative, le GLB collecte les images de loups prises dans la nature par de multiples observateurs. Et grâce à notre protocole d’identification individuelle, il est possible de suivre leur parcours.
Entre le Loiret en décembre 2024 et le Finistère fin avril 2025, nous avons pu recueillir 18 contacts photographiques (points rouges) où Nouzil a été identifié avec un degré de certitude élevé.
Ce parcours représente un suivi de plus de 1000 km, si l’on prend comme référence théorique le réseau routier reliant l’ensemble de ces contacts. Le suivi par photo-identification de ce loup est une première, sur une aussi longue distance.

Paysage des Monts d'Arrée - François de Beaulieu
Trois loups, trois « territoires »

Il est possible de cartographier les zones où les différents loups identifiés au cours des quatre premiers mois de l’année ont été photographiés avec la plus grande fréquence en février et mars 2025.
Pour la première fois, nous avons la preuve que trois loups différents ont été présents simultanément en Bretagne au cours d’un même mois (février 2025). C’est ce qui nous permet de représenter schématiquement ce moment où chaque loup a occupé de façon régulière un espace géographique distinct.
Une première, là encore.
Continuer le suivi
Nouzil choisira-t-il de rester sur le même secteur ? Va-t-il au contraire poursuivre vers d’autres régions son errance de loup dispersant ? Nous savons que la question est d’importance pour les éleveurs de moutons soumis à forte pression partout où ce loup est passé. Mais les éléments de connaissance que nous pouvons apporter par ce suivi de photo-identification peuvent se révéler essentiels pour prévoir et aider à mettre en place les mesures de protection des troupeaux dont on sait qu’elles seront nécessaires.

À chaque loup son histoire
À partir des images disponibles, nous avons pu identifier sept loups qui ont fréquenté la Bretagne depuis 2022. Les suivis individualisés qui ont été menés montrent qu’ils partagent un certain nombre de traits en commun, mais aussi qu’il existe de notables différences entre eux.
Les sept loups identifiés qui se sont succédés au cours de ces 3 années, sont tous des mâles. Ils sont aussi tous des « dispersants », de jeunes loups adultes qui ont quitté leur meute familiale pour partir à la recherche d’un territoire et d’une partenaire pour former un couple. Avant d’atteindre la Bretagne, ils ont tous voyagé en solitaire, franchi des centaines de kilomètres et surmonté tous les obstacles. Ils ont dû faire preuve pour cela d’une exceptionnelle aptitude à la survie.
Mais chaque loup a aussi sa propre personnalité. Le comportement de chacun sera influencé par un bagage génétique qui dépend de sa lignée, mais aussi par ses propres habitudes, fruits de son éducation familiale et de ses expériences. Certains auront une activité plutôt nocturne, quand d’autres se déplaceront plus volontiers de jour. Certains feront preuve de prudence en évitant les humains, alors que d’autres n’hésiteront pas à se montrer à découvert. Certains préféreront chasser en toute discrétion les ongulés sauvages, chevreuils et sangliers. Mais d’autres auront pris l’habitude de côtoyer les activités humaines. Ce sont eux que l’on verra s’attaquer plus volontiers aux troupeaux.
Quelles leçons pour l’avenir ?
Avec les loups, il est toujours difficile de généraliser, tant les règles peuvent connaître d’exceptions. On a remarqué cependant qu’il peut arriver qu’un loup, une fois installé dans un secteur qu’il a exploré, finisse par se faire plus discret. Sa technique de chasse au grand gibier s’étant affinée sur un territoire qu’il connaît mieux, il tend alors à délaisser les élevages qu’il recherchait par facilité dans un premier temps. Et cela d’autant plus que les éleveurs auront pris la précaution de mettre en place des mesures de protection ou d’effarouchement adaptées.
Sur les sept loups identifiés depuis 2022 en Bretagne par le GLB, nous avons pu montrer que trois étaient présent en février 2025, même s’ils semblaient se tenir à distance respectueuse les uns des autres. Le dernier arrivé, Nouzil, a été de loin le plus visible au cours de ces derniers mois en Bretagne. C’est un schéma comportemental qui semble habituel.
Que sont devenus les quatre autres individus, dont certains n’ont plus été photographiés en Bretagne depuis plus de deux ans ? Toutes les hypothèses sont ouvertes, comme celle d’une présence discrète dans une zone giboyeuse peu densément habitée, celle d’un départ vers d’autres régions ou celle d’une mort accidentelle. On rappellera la découverte d’un cadavre d’un loup à Saint-Brévin-les-Pins (44) le 15/10/2021 et cet autre trouvé à Langonnet (56) le 24/02/2024. On notera aussi que la présence discrète à long terme d’un loup est rendue de plus en plus illusoire par le nombre croissant de personnes disposant de caméras automatiques ou de smartphones.
Aujourd’hui, il est plus que jamais nécessaire de continuer à documenter par des images les observations de grands canidés, afin de les identifier individuellement lorsqu’il s’agit de loups.
Le suivi scientifique que nous allons poursuivre permettra sans doute d’apporter quelques réponses aux nombreuses questions que pose le retour en Bretagne de cette espèce emblématique. Après plus de cent ans d’absence, le temps des loups dispersants doit servir à nous adapter à cette nouvelle situation.
Nos remerciements vont aux chasseurs, aux éleveurs et aux naturalistes qui nous ont envoyé leurs images pour faire progresser les connaissances. Nous avons respecté l’anonymat de tous ceux qui nous l’ont demandé.
Contact Alain Jean. GLB.