Foire aux questions

1 Comment reconnaître un loup d’un chien-loup ?
2 Quels sont les indices de la présence du loup ?
3 Qu’est-ce qu’une meute de loups ?
4 Que mangent les loups ?
5 Est-ce que les loups peuvent proliférer ?
6 Où vivent les loups ?
7 Le loup est-il une menace pour la faune sauvage ?
8 D’où viennent les loups qu’on observe en Bretagne ?
9 Que faire si on rencontre un loup ?
10 Pourquoi a-t-on encore peur du loup ?
11 Le loup est-il dangereux pour l’homme ?
12 Pourquoi protéger le loup ?
13 Loup et élevage sont-ils compatibles ?
14 Comment protéger les troupeaux ?
15 Est-ce que les tirs d’élimination sont nécessaires ?
16 Les loups sont-ils dangereux pour les chiens de compagnie ?

1 Comment reconnaître un loup d’un chien-loup ?

Il n’est pas toujours facile de reconnaître un loup au premier coup d’œil, d’autant qu’il existe des races de chiens sélectionnées pour ressembler le plus possible au loup (par exemple le chien-loup tchécoslovaque et chien-loup de Saarloos).

Un loup adulte est de la taille approximative d’un chien berger allemand mais il paraît plus haut sur pattes, ses oreilles sont plus courtes et plus arrondies. Un bon critère est l’aspect et le port de la queue : celle du loup est relativement plus courte, noire à l’extrémité et presque toujours pendante. L’encolure du loup est puissante et paraît volumineuse, surtout en pelage d’hiver. Le pelage d’été, plus court, fait souvent paraître le loup plus mince. Un loup adulte est de couleur généralement gris beige, plus clair vers le ventre, plus sombre et gris charbonné sur le dos, mais sans cette large bande verticale claire derrière l’épaule qu’on retrouve chez beaucoup de chiens-loups. Il existe aussi, notamment chez les loups de la population italo-alpine, une bande de coloration plus sombre sur le devant des pattes antérieures qui fait défaut chez les chiens. Les loups ont un masque facial pâle caractéristique et les yeux habituellement jaunes. Le comportement et la façon de se déplacer sont aussi des éléments essentiels à prendre en compte pour distinguer un loup d’un chien, mais l’aspect peut varier d’un individu à un autre et aucun de ces critères n’est absolu à lui seul. C’est pourquoi les spécialistes doivent parfois se contenter de conclusions prudentes. Le chien étant, du point de vue de l’évolution, très étroitement apparenté à son ancêtre le loup, seules les analyses génétiques (à partir de poils, salive, urine ou excréments) pourront permettre de différencier avec certitude un loup d’un chien.

2 Quels sont les indices de la présence du loup ?

Empreintes de loup – Photo : Design Pics. Inc.

Le loup est habituellement un animal discret et il est très rare de pouvoir l’observer dans la nature. On pourra cependant détecter indirectement sa présence à un certain nombre d’indices.

L’utilisation de systèmes photographiques à déclenchement automatique installés sur des lieux de passage a permis dans de nombreux cas de confirmer la présence du loup de façon certaine. Les empreintes au sol sont difficiles à différencier de celles d’un chien de même taille, mais celles d’un loup sont souvent plus étroites et longues de 10 à 11 cm. Elles sont aussi habituellement disposées de façon régulière en piste rectiligne, contrairement aux chiens qui font des écarts plus fréquents. Les crottes peuvent constituer des indices intéressants : d’un diamètre de 3 à 4 cm, elles contiennent presque toujours des poils et des fragments d’os.

L’examen d’une proie récemment tuée et partiellement consommée donne aussi de précieux indices. Dans le cas du loup, qui chasse essentiellement la nuit, on retrouve très souvent sur le cadavre des perforations de morsure de grand diamètre, principalement au niveau du cou et de la tête. Les côtes sont souvent brisées pour accéder rapidement au cœur et au foie et des masses musculaires importantes sont consommées au niveau des pattes. Les hurlements peuvent aussi marquer la présence de loups sur un territoire. Ils signalent alors des interactions sociales au sein d’un groupe familial cantonné. Enfin, la récolte d’échantillons de crottes, de poils ou même de salive déposée sur une proie permet aujourd’hui des analyses d’ADN qui peuvent confirmer avec certitude la présence de loups. Le séquençage génétique permet de différencier les individus entre eux, de connaître leur population d’origine et parfois même d’en évaluer les effectifs.

3 Qu’est-ce qu’une meute de loups ?

Clan familial de loups – Image de Waitandshoot

Contrairement à ce qu’on observe en Amérique du Nord où les meutes de loups regroupent de nombreux individus, les loups d’Europe occidentale se rassemblent plutôt en petits clans familiaux.

Ce groupe organisé pour la chasse et l’éducation des jeunes compte en moyenne de 4 à 6 loups, unis par une forte cohésion sociale et par sa structure hiérarchique. Il est constitué d’un « couple alpha » de reproducteurs sédentarisés, accompagnés de ses quelques descendants survivants encore présents sur le territoire.

L’effectif de ce groupe varie au cours de l’année en fonction des naissances (une portée par an de 4 à 5 louveteaux en moyenne), de la mortalité juvénile assez élevée, de l’ordre de 40 % à 50 % chez les louveteaux de moins d’un an et de la dispersion des jeunes adultes survivants issus des portées précédentes qui partent à la recherche d’un nouveau territoire. En raison de ce phénomène de dispersion et de la mortalité juvénile, un groupe familial donné conservera plus ou moins ce même effectif moyen au fil des années.

4 Que mangent les loups ?

Ressources alimentaires du loup – Florian Graf/FERUS

Le loup est fondamentalement un carnivore mais c’est un animal opportuniste qui saura adapter son régime en fonction de la grande variété des ressources disponibles sur son territoire.

Dans nos régions, l’essentiel de son régime alimentaire (de l’ordre de 70 à 80 %) est constitué d’ongulés sauvages (cerf, chevreuil, sanglier) qu’il tue lui-même, mais qui peuvent aussi à l’occasion se trouver à l’état de cadavres. Il complète son alimentation par toutes sortes de proies plus petites (petits mammifères, oiseaux, reptiles, batraciens, mollusques, insectes…) et il lui arrive même de consommer des fruits de façon marginale.

Dans les régions d’élevage de plein air, le loup pourra ajouter à cette liste des animaux domestiques, essentiellement moutons ou chèvres, plus rarement jeunes bovins ou équins. Le choix de ce type de proies occasionnelles est rendu possible lorsque les troupeaux ne bénéficient pas d’une protection suffisamment efficace.

Le loup, qui est un prédateur extrêmement prudent, va toujours évaluer le rapport bénéfice-risque avant toute action de chasse. Son choix le portera de préférence vers les animaux les plus vulnérables, les plus jeunes, les plus affaiblis, les malades ou les plus âgés qu’il pourra chasser et consommer dans des lieux sûrs et discrets, à l’abri de toute présence humaine. Pour un loup, l’homme représente toujours le plus sérieux des dangers. Mais la perspective d’un repas facilement gagné sur un troupeau d’animaux de rente mal protégé peut justifier qu’il prenne des risques. Tout dépendra de son expérience, de l’évaluation qu’il fera des problèmes à résoudre (présence humaine, chiens de protection de troupeau, clôtures à franchir…). Dans le doute ou si les obstacles lui paraissent trop importants ou trop nombreux, le loup s’abstiendra et se tournera vers ses proies sauvages habituelles.

5 Est-ce que les loups peuvent proliférer ?

Louve et louveteaux – Anonyme

Localement, le nombre de loups est toujours limité par la disponibilité de la nourriture, par la mortalité et par les départs d’individus qui quittent la meute dans le cas d’un groupe familial sédentarisé.

Avec une maturité sexuelle tardive (22 mois), une fertilité limitée à une seule portée par an et une mortalité particulièrement élevée chez les louveteaux, l’effectif d’une meute est toujours globalement stable en dépit des fluctuations saisonnières. La mortalité juvénile naturelle, qui ne laisse qu’un louveteau survivant sur deux à l’issue de leur premier hiver, peut être due au manque de nourriture, aux intempéries, à des accidents ou des maladies. Il s’agit d’un des principaux mécanismes de régulation naturelle des populations de loups.

Si le nombre de loups présents sur un territoire donné se trouve en excès par rapport au nombre de proies disponibles, ce sont alors les jeunes adultes âgés d’un à trois ans qui quittent la meute, souvent en automne, à la recherche d’un territoire vacant. Durant leurs parcours de dispersion, ils peuvent être victimes de tirs ou bien encore heurtés par des voitures, ce qui vient limiter la dynamique de dispersion de l’espèce, tirs et collisions étant la principale cause de mortalité accidentelle chez les loups adultes. Toutes ces causes de mortalité constituent autant de facteurs de stabilisation des effectifs d’une meute, ce qui exclut tout risque de prolifération au-delà d’un seuil d’équilibre qui s’ajuste toujours à la disponibilité en nourriture.

6 Où vivent les loups ?

Territoire de loup – Wirestock

On aurait tort de penser que les loups ne vivent que dans les bois ou les régions montagneuses. Les loups se trouvent principalement là où vivent leurs proies.

Lorsque l’on connaît l’extrême diversité du régime alimentaire de ces carnivores opportunistes, même si les chevreuils ou les sangliers en constituent la base, il faut s’attendre à voir des loups occuper une gamme d’habitats, elle aussi très variée. Un loup isolé peut se rencontrer à peu près n’importe où : en forêt comme en campagne, dans le bocage comme en zone remembrée, en plaine comme en montagne, dans les landes à ajoncs comme en zones urbanisées… Un jeune loup en phase de dispersion est tout à fait capable de cheminer la nuit le long de routes, de passer sur des ponts, de traverser des agglomérations. C’est pourquoi l’existence de loups à proximité d’habitations, voire en zone périurbaine, n’a rien d’inhabituel en soi.

Un groupe familial sédentarisé occupe un domaine vital d’environ 200 à 300 kilomètres carrés. Dans nos régions, il existe presque toujours, dans une zone de prospection d’une telle surface, des villages ou des bâtiments agricoles. Mais cette meute devra aussi disposer de zones de quiétude, de lieux isolés et protégés des activités humaines pour abriter le site de mise bas, ses lieux de repos diurne ainsi que ses espaces de rencontre (les « sites de rendez-vous ») pour leur vie collective nocturne. Pour cela, les zones boisées, les landes ou les friches restent les milieux les plus favorables. En Bretagne, tant que la présence du loup n’est le fait que d’individus isolés en dispersion exploratoire ou déjà sédentarisés, on peut s’attendre dans un premier temps à une présence diffuse et discrète de l’espèce dans une grande variété de milieux.

7 Le loup est-il une menace pour la faune sauvage ?

Concentration de sangliers – Cristian Zamfir

Le loup est un prédateur situé au sommet de la chaîne alimentaire. Il limite et régule les effectifs de ses proies qui sont en Bretagne majoritairement des chevreuils et des sangliers.

Mais la survie des loups dépend étroitement de la quantité et de la variété de leurs proies et il finit toujours par s’établir un équilibre entre les deux. La disparition des unes entraîne aussi celle des autres. Il n’y a donc jamais de risque de voir les loups éradiquer la faune qui les entoure. On constate simplement que la prédation par les loups empêche les pics de surpopulation des ongulés sauvages (dans l’Ouest : cerfs, chevreuils ou sangliers). Dans la grande majorité des cas, les proies du loup sont des animaux jeunes ou affaiblis, des catégories qui ne sont pas précisément celles recherchées par les chasseurs qui n’ont pas à redouter de concurrence.

La présence des loups a aussi des effets indirects sur le comportement des cervidés et des sangliers qui deviennent plus méfiants, plus dispersés et aussi plus mobiles. Une conséquence indirecte est que cela permet une meilleure régénération des forêts puisque les grandes hardes de cervidés sont déstructurées, elles se répartissent mieux dans les massifs et causent moins de dégâts aux jeunes arbres. La réduction du nombre des sangliers qu’on observe en présence de loups est aussi particulièrement appréciée des agriculteurs et même des chasseurs qui considèrent les populations de sangliers comme hors de contrôle actuellement, ce qui les conduit même à organiser des battues estivales particulièrement dérangeantes pour la faune. Le rôle sanitaire des loups est considéré comme un facteur très positif sur l’ensemble de la chaîne alimentaire. En réalité, la présence des loups sur un territoire donné est un facteur naturel de régulation et d’équilibre écologique dont bénéficie toujours l’ensemble de la flore et de la faune sauvage.

8 D’où viennent les loups qu’on observe en Bretagne ?

Présence détectée du loup en Europe en 2016 – Large Carnivore initiative for Europe

Les loups n’ont pas été réintroduits par l’homme. Ils sont revenus naturellement en Bretagne, comme dans le reste de la France.

Il y a plusieurs siècles, les populations de loups couvraient l’ensemble de l’Europe de façon continue, mais les persécutions qui leur ont été infligées ont fini par les scinder en plusieurs noyaux résiduels. Dans une dynamique amorcée il y a quelques décennies, ces populations se reconnectent peu à peu. Dans l’Ouest, ils pourront être issus aussi bien de la lignée italo-alpine originaire des Abruzzes, dont le retour a été constaté en France dans le Parc du Mercantour en 1992, que de populations du nord-est de l’Europe, puisque ces deux lignées se croisent déjà en Allemagne et en Belgique. Alors qu’en France l’espèce était considérée comme disparue, le dernier loup ayant été tué en 1937, son retour par l’est du pays est la conséquence d’un mouvement naturel d’expansion généralisé à toute l’Europe.

Cette expansion doit beaucoup à la protection de l’espèce au niveau européen dès les années 1980, ainsi qu’à des conditions devenues plus propices, comme l’exode rural qui favorise les forêts et les friches ainsi que la croissance des populations de grands ongulés sauvages. Les dernières populations européennes de loups ont ainsi pu reconquérir progressivement le terrain perdu. Les jeunes loups en quête de nouveaux territoires sont capables de parcourir jusqu’à 50 kilomètres en une nuit. Des individus en phase de dispersion peuvent aisément se projeter à plus de 1000 km de leur territoire d’origine. En octobre 2021, un loup était découvert en Loire-Atlantique. Le 4 mai 2022, un jeune mâle était détecté pour la première fois en Bretagne, dans les monts d’Arrée. Depuis, d’autres observations ont été validées dans les départements bretons. Ce retour naturel du loup en Bretagne marque en réalité la fin d’une anomalie. Présent sur notre sol pendant des milliers d’années, le loup n’en aura été absent que durant quelques décennies.

9 Que faire si on rencontre un loup ?

Rencontre avec un loup – 6bears

Le loup est un animal extrêmement discret qui évite soigneusement les humains. Habituellement, il s’en détourne avant même d’être aperçu. La probabilité d’en croiser un au cours d’une promenade est donc très faible, même dans une zone de présence permanente. Si cela doit arriver, il ne faut pas tenter de l’approcher. Dans l’immense majorité des cas, le loup s’éclipsera de lui-même et son apparition n’aura duré que quelques secondes. Dans le cas rarissime d’une rencontre rapprochée ou prolongée, il est recommandé de le considérer, comme tout animal sauvage, avec respect et prudence : garder son calme, rester debout, ne pas courir, le temps qu’il prenne la fuite. Et si l’observateur n’est pas à l’aise, il lui suffit de parler à haute voix et éventuellement d’agiter les bras pour voir le loup s’éloigner. Une fois qu’il est parti, il ne faudra pas chercher à le suivre.

Il est totalement inhabituel qu’un loup fasse preuve de confiance et s’approche volontairement d’une personne : si cela devait arriver, cet événement devrait être signalé au Groupe Loup Bretagne et aux agents de l’Office français de la biodiversité . Il en est de même de toute observation d’un canidé dont on pense qu’il s’agit d’un loup. Si on a pu filmer ou photographier l’animal lui-même, ses empreintes ou remarquer d’autres indices, ces documents ainsi que la description la plus détaillée possible de l’observation et de ses circonstances sont un préalable nécessaire à toute expertise.

10 Pourquoi a-t-on encore peur du loup ?

La Bête du Gévaudan – Gravure allemande, 1764

Depuis toujours, les hommes ont été impressionnés par les performances hors du commun du loup : excellent chasseur à l’ouïe fine et au flair exceptionnel, coureur rapide et endurant, intelligent, rusé, capable de survivre dans les pires conditions… Autant de qualités qui lui ont souvent valu d’être l’objet d’admiration et de vénération. Mais c’est aussi ce qui a contribué à noircir son image de grand prédateur.

Tous les arguments ont été bons pour attiser les peurs et justifier sa destruction. Autour du loup se sont créés des mythes, des superstitions et des fantasmes qui ont durablement marqué les esprits. La religion chrétienne a largement contribué à diaboliser le loup. Nocturne et carnivore, il a été considéré comme l’animal des ténèbres, le cruel dévoreur d’agneaux voire le fléau de Dieu envoyé sur Terre pour y semer la désolation. Volontiers charognard, sa fréquentation des charniers lors d’épisodes de guerres ou de famines a scellé sa réputation d’anthropophage. On citera aussi ses méfaits réels sur les troupeaux et les conséquences parfois dramatiques sur le cheptel. Si l’on ajoute les préjugés de toutes sortes et les crimes non élucidés dont on l’accusait par commodité, on obtient un tableau déjà bien sombre. Enfin, dans ces époques anciennes où les vaccins n’existaient pas, l’irruption soudaine d’un loup enragé atteint de folie dévastatrice et déchiquetant tout sur son passage a nécessairement semé la terreur et contribué à généraliser une image exagérée de férocité à partir de cas pathologiques isolés. Depuis, les progrès de la médecine et les campagnes de vaccinations ont permis d’éradiquer la rage sylvatique d’Europe occidentale.

La biologie du loup est aujourd’hui bien connue et on dispose de tous les éléments pour porter un regard plus apaisé sur l’idée de cohabiter avec lui. Mais les mythes ont la vie dure.

Depuis toujours, les hommes ont été impressionnés par les performances hors du commun du loup : excellent chasseur à l’ouïe fine et au flair exceptionnel, coureur rapide et endurant, intelligent, rusé, capable de survivre dans les pires conditions… Autant de qualités qui lui ont souvent valu d’être l’objet d’admiration et de vénération. Mais c’est aussi ce qui a contribué à

11 Le loup est-il dangereux pour l’homme ?

Face à un loup – Dennis Jacobsen

En règle générale, un loup sauvage en bonne santé ne représente aucun danger pour l’homme. Les loups évitent soigneusement les rencontres avec les humains. Lorsque cela se produit fortuitement, ils font preuve d’une extrême prudence et ne se montrent pas agressifs.

Pourchassés pendant des siècles, les loups d’aujourd’hui ne doivent leur survie qu’à leur crainte atavique des humains. Les attaques par des loups que l’on a pu documenter au cours des siècles passés concernaient principalement des enfants gardant seuls des troupeaux ou bien étaient dues à des loups atteints de rage. Le loup n’est d’ailleurs pas considéré par les historiens comme un facteur notable de mortalité sous l’Ancien Régime en Bretagne, même si les chiffres cumulés des attaques recensées au cours des siècles peuvent parfois donner l’impression du contraire. Aujourd’hui, c’est un fait que les loups sont devenus plus craintifs, que les troupeaux ne sont plus gardés par de jeunes bergères et que la rage a disparu.

Si l’on voulait parler de danger avéré, c’est vers les chiens domestiques et non vers les loups qu’il faudrait se tourner : 250 000 cas environ de morsures par des chiens sont comptabilisés en France chaque année, pour 33 décès des suites de ces morsures répertoriés en 20 ans (Assemblée nationale, 2021), alors qu’on ne déplorer aucun cas d’attaque et donc de blessures causées par les loups depuis leur retour dans notre pays en 1992. Il en est de même dans les nombreux pays d’Europe où le loup est aujourd’hui présent. Si des précautions particulières devaient être prises, ce serait face à des animaux issus d’une hybridation récente entre chien et loup, dont le comportement plus audacieux pourrait être problématique (en France, la proportion de loups issus d’une hybridation semble faible, d’après les analyses génétiques menées par l’OFB). Des loups peuvent aussi être amenés à se défendre alors qu’on cherche à les capturer ou lorsqu’ils se sentent acculés. Ce pourrait enfin être le cas avec des loups qu’on aurait rendus familiers, par exemple en les nourrissant. Mais en dehors de ces exceptions et malgré l’existence de préjugés tenaces, la présence du loup dans nos campagnes ne représente pas plus de risques pour les personnes que ceux rencontrés avec le reste de la faune sauvage habituellement présente dans notre environnement.

12 Pourquoi protéger le loup ?

Loup gris : 1ère observation monts d’Arrée, mai 2022. – Emmanuel Holder

Le regard que nous portons sur la nature et les espèces sauvages a profondément changé. Nous avons pris conscience du risque de disparition de milliers d’espèces animales. Le retour spontané du loup en Bretagne devrait donc nous réjouir.

L’image du loup est pourtant mitigée. Pour les uns, c’est un animal emblématique et prestigieux qui retrouve très progressivement la place qui était la sienne, puisque plusieurs centaines de loups vivaient en Bretagne il y a deux siècles. Pour les autres, c’est la crainte qui l’emporte tant les préjugés sont tenaces. Il est vrai cependant que la présence du loup va compliquer le travail de certains éleveurs, mais il est malgré tout de notre responsabilité collective de protéger les espèces qui ont failli disparaître par la faute des hommes et dont les effectifs sont encore trop faibles pour être considérés comme viables.

Les générations qui nous ont précédées côtoyaient fréquemment des loups, la cohabitation était alors la règle. Les quelques loups qui reviennent aujourd’hui sur leurs terres ancestrales doivent pouvoir bénéficier de notre protection. On sait aussi que les loups ont une influence bénéfique sur le contrôle des populations de sangliers ou de chevreuils dont les proliférations en l’absence de prédateurs naturels sont la cause d’importants dégâts en agriculture et en sylviculture. À plus long terme, on a observé que là où les loups reviennent, c’est tout l’équilibre de la nature qui profite de leur présence discrète mais irremplaçable.

Le monde de l’élevage ovin connaît aujourd’hui de multiples difficultés économiques mais les loups n’en sont pas les responsables. Même si les savoirs traditionnels se sont perdus, il existe aujourd’hui des moyens de protéger plus efficacement les troupeaux et la présence du loup s’accompagne d’ores et déjà d’actions de soutien public à cette filière. Le monde sauvage et celui de l’élevage ovin sont fragiles. Tous deux méritent d’être préservés.

13 Loup et élevage sont-ils compatibles ?

Berger accompagné d’un chien de conduite et d’un chien de protection de troupeau – Olivier Tabary

Grand prédateur, opportuniste mais prudent, le loup est capable de s’en prendre aux animaux d’élevage bien que la présence humaine autour des troupeaux constitue toujours pour lui un sérieux obstacle.

La majeure partie des attaques sur le cheptel domestique a lieu la nuit et concerne principalement les ovins ou les caprins. On a pu signaler des cas de prédations chez des bovins ou des chevaux, mais leur plus grande capacité à se défendre est généralement dissuasive. Toutes les meutes n’auront pas le même comportement et chaque loup a ses propres habitudes de chasse. C’est pourquoi les moutons peuvent représenter en France une part très variable (1 à 30 %) du régime alimentaire d’un loup. On a constaté que les attaques étaient souvent concentrées sur certains troupeaux et dans certaines zones alors que des territoires voisins peuvent être très peu touchés. Ce sont habituellement les troupeaux les plus difficiles à protéger qui subissent cette prédation.

Jusqu’au XIXe siècle, les moutons étaient gardés en permanence par des bergers, souvent accompagnés de leurs chiens et la présence permanente des loups faisait partie de la vie quotidienne. On perdait des animaux pour de nombreuses raisons (maladies, accidents, agnelages difficiles, foudre, chapardages, attaques par des chiens…). Le loup n’était alors qu’un problème parmi d’autres. Aujourd’hui encore, sur les 7 millions de moutons présents en France, près de 500 000 meurent chaque année de causes diverses et n’entreront pas dans le circuit de la consommation. Or, là où il est présent, les pertes dues au loup représentent moins de 1 % du cheptel ovin, alors que la mortalité naturelle due aux autres causes est près de dix fois supérieure.

De nombreuses régions d’élevage ovin dans le monde ont appris à adapter leur conduite d’élevage à la présence des loups. Cette présence est indéniablement source de stress et de contraintes pour les éleveurs, mais les principales difficultés que connaît la filière ovine sont à rechercher ailleurs que dans la présence du loup et les techniques modernes de protection des troupeaux permettent de réduire considérablement les risques.

14 Comment protéger les troupeaux ?

Filet de protection et Patou – CERPAM

Jadis, en dehors des nombreuses prières et incantations censées éloigner le prédateur, les bergers avaient appris à se protéger des loups de mille manières assez efficaces.

Leurs méthodes étaient rustiques : faire du vacarme par des cris, des bruits de sabots ou des pierres frappées l’une contre l’autre, la lumière d’une lanterne, des explosions de pétards…. Mais les auxiliaires les plus sûrs était leurs mâtins, ces chiens puissants souvent armés de colliers hérissés de longues pointes de fer, qui n’hésitaient jamais à courir sus aux loups.

Aujourd’hui, en tenant compte des différents modes de conduite de troupeaux ovins, on sait que certaines méthodes de protection ont fait la preuve de leur efficacité. Lorsque c’est possible, la présence humaine auprès du troupeau, à condition qu’il s’agisse de personnes bien formées au gardiennage, est un élément essentiel. Les chiens de protection sont une aide, elle aussi, très efficace mais qui demande une formation à la fois des chiens et des bergers eux-mêmes. Rassembler les moutons surtout la nuit et les protéger derrière des clôtures électrifiées (parcs fixes) ou des filets électrifiés sur parcs mobiles représente le troisième pilier d’une bonne protection. L’installation et l’entretien de ces clôtures doivent être effectuées selon les règles, les prédateurs sachant profiter des moindres défaillances techniques. Enfin des dispositifs complémentaires d’effarouchement visuels, sonores ou lumineux peuvent être mis en place : « fladrys » (rubans colorés accrochés aux clôtures), dispositifs lumineux ou à ultrasons…

Une étude comparative sur l’ensemble de l’Europe a montré que ce sont les filets électriques qui permettent la meilleure dissuasion. Viennent ensuite les chiens de protection, le gardiennage humain et enfin les systèmes d’effarouchement qui sont surtout utiles en complément et sur de courtes périodes. La formation des bergers pour maîtriser l’ensemble de ces méthodes reste une condition essentielle de leur efficacité. À noter que les tirs d’élimination des loups se sont révélés par comparaison la mesure la moins performante pour protéger les troupeaux.

15 Est-ce que les tirs d’élimination sont nécessaires ?

Cadavre de loup – Agence pour la protection de la nature Tchéquie

Certains pensent que dès que l’on constate des attaques sur des troupeaux, l’élimination d’un ou de plusieurs loups serait nécessaire. Or l’expérience a prouvé que cela pouvait entraîner paradoxalement la multiplication des attaques…

Pour expliquer ce phénomène, il faut comprendre que dans une meute, l’élimination d’un des deux loups du couple alpha suffit à désorganiser tout le groupe qui profitait de leur expérience pour traquer les grands ongulés sauvages. Le reste de la meute est alors amené à se tourner vers les animaux domestiques qui demandent moins de savoir-faire. De plus, après l’élimination d’un loup isolé, des loups en phase de dispersion chercheront toujours à combler le vide et pourront commencer par s’en prendre aux proies faciles que sont les animaux de rente. Il n’est donc pas rare que les tirs d’élimination aient pour conséquence paradoxale une recrudescence des attaques sur les troupeaux les moins bien protégés.

On sait aussi qu’un loup qui a subi un traumatisme en s’approchant d’un troupeau correctement protégé (effarouchement, décharge électrique au contact d’un filet de protection…) aura moins tendance à recommencer et pourra même en dissuader d’autres. Un loup mort, lui, ne transmettra jamais son expérience. On voit bien que les quotas systématiques d’élimination de loups ont surtout comme objectif de se donner l’illusion d’avoir agi en faveur de l’élevage. Mais si on peut admettre la nécessité d’éliminer un loup qui se serait véritablement spécialisé dans l’attaque des troupeaux, les tirs indiscriminés réclamés par certains se révèlent souvent la plus mauvaise des solutions. Les actions les plus efficaces resteront toujours cet ensemble de mesures qui ont fait leurs preuves : des moyens humains, des clôtures électriques correctement entretenues et des chiens de protection correctement dressés.

16 Les loups sont-ils dangereux pour les chiens de compagnie ?

Berger d’Anatolie Kangal – Wikipedia

Un chien dans la nature sera généralement perçu par un loup comme une proie potentielle ou un intrus sur son territoire. Dans de très rares occasions, un chien isolé pourra être considéré comme un possible partenaire d’accouplement mais, la plupart du temps, il risque avant tout d’être attaqué ou chassé et tué. On a de nombreux témoignages historiques de prédation sur ces chiens qui étaient autrefois attachés à l’extérieur des maisons pour avertir des intrusions et qui étaient dévorés par les loups.

Seuls des chiens particulièrement massifs et puissants pourront réussir à s’imposer dans un combat avec un loup, même si la force de morsure du loup est en général très supérieure à celle de n’importe quel chien. Parmi les centaines de races de chiens recensées dans le monde, seule une trentaine concernent des sujets susceptibles d’affronter des loups avec quelques chances de succès. Ce sont d’une part des chiens de combat, d’autre part des chiens de protection des troupeaux, capables à la fois de vivre paisiblement parmi les moutons mais aussi de les défendre vaillamment si besoin. Traditionnellement, on équipait ces chiens de larges colliers hérissés de pointes métalliques, puisque les loups ont pour habitude de mettre à mort leurs proies ou leurs adversaires par morsure à la gorge. En France, actuellement, trois principales races de chiens sont susceptibles d’être utilisées pour la protection des troupeaux : le montagne des Pyrénées (Patou) est la race plus répandue, mais on peut aussi rencontrer des bergers des Abruzzes ou encore des bergers d’Anatolie (Kangal). En ce qui concerne les chiens de compagnie, ils peuvent continuer à être promenés en toute sécurité dans des zones de présence de loups, mais à la condition d’être tenus en laisse. La présence de leur maître à leurs côtés est encore leur meilleure protection.