Le loup de la Laïta déjà photographié dans le Finistère
Loargann des monts d’Arrée à la Laïta… et ensuite ?
Loargann, le 22 décembre 2024 dans les Monts d’Arrée
Depuis septembre 2024, nous affichons une certaine satisfaction à mentionner un outil composé par un membre du Groupe Loup, Alain Jean, ou à en trouver la trace dans un média ou un autre. L’intense réflexion portant sur les images engrangées a donc connu son aboutissement sous la forme d’un titre et d’un sous-titre enfin publiés : Loups : distinguer les individus – Proposition de méthodologie d’après les observations bretonnes. Mais un outil a vocation à servir et son utilisation à produire des résultats. Passées dans la moulinette, les photos et les vidéos de loups collectées par différents canaux nous ont d’ores et déjà procuré des informations précieuses dont le présent article expose le contenu. Et cerise sur le gâteau, l’année 2025 vient de démarrer en fanfare au bord de la Laïta. L’occasion d’éprouver la méthode.

Mise en œuvre du protocole d’analyse des images
Le 17 janvier 2025, le site loupfrance.fr publie un article intitulé « Détection en France de loups w1 et w2 de la population germano-polonaise ». L’analyse génétique de prélèvements biologiques a permis la détection sur l’ensemble de la France de douze loups appartenant à des lignées autres que celle de la population italo-alpine. Pour la moitié de ces loups, des détections antérieures dans d’autres pays européens ont permis de déterminer leur origine en Allemagne ou en République Tchèque, et de déterminer ainsi globalement leur parcours. Mais tous les loups présents sur un territoire donné dans une période de temps donnée ne sont pas l’objet de la détermination de leur génotype. Plusieurs raisons l’expliquent telles que la difficulté de collecte des échantillons analysables et le coût des analyses.
Par conséquent dans un secteur géographique abritant une population lupine encore faible, les analyses sont évidemment rares. C’est le cas en Bretagne. Il convient donc de mettre en œuvre une autre approche pour donner une image étoffée de la réalité intéressant directement les différentes composantes de la société (grand public, éleveurs, presse, administrations). Cela n’invalide en rien l’approche par la génétique mais montre l’utilité d’approches complémentaires. L’utilisation d’images (photographies et vidéos) entre en jeu. Et le début de janvier 2025 elle porte déjà ses fruits.
Identification de l'individu observé aux bords de la Laïta
Les loups ont généralement un masque facial dont une partie autour des lèvres se trouve en continuité ou séparée d’une tache claire située bien en arrière de la commissure des lèvres. Cette tache dite tache maxillaire est plus ou moins diffuse, plus ou moins contrastée. Et dans le cas de cet animal, on observe de part et d’autre de la face deux taches maxillaires bien rondes, donc une sur chaque profil, bien blanches et parfaitement individualisées, comme deux lunes blanches. Il n’en fallait pas plus pour baptiser ce loup « Loargann » (en breton, Loargann signifie « pleine lune »). Il porte de plus une marque claire plus bas que la gorge, juste au-dessus de la naissance des pattes, un détail caractéristique qui lui est propre.

Historique du parcours de Loargann
La première mention de l’individu date du 19 août 2024 au nord-est monts d’Arrée, dans une allée forestière. Il est identifié rétrospectivement comme Loargann avec un degré de certitude 3/5, en raison des qualités médiocres des 2 images. Mais la tache maxillaire blanche, le masque labial descendant sur la gorge, l’écharpe blanche largement bordée de noir passant derrière le garrot sont déjà là… On entre-aperçoit un fourreau laissant penser avec une certaine probabilité que c’est un mâle, car le pelage est encore un peu estival. On aura du mal plus tard à en voir plus en pelage d’hiver.
Le second contact est l’observation du 2 novembre 2024 à Plougastel Daoulas. Il donne d’assez mauvaises images d’un contact nocturne fugace éclairé aux spots de jardin. Mais en regardant à la loupe image par image, la tache maxillaire, l’écharpe claire, le large masque labial et une pâleur sur la croupe à la base de la queue sont des caractéristiques de Loargann. Degré de certitude 3/5 en étant généreux. Mais il ne ressemble à aucun des 5 autres loups identifiés dans la base de données.
Paysage des Monts d'Arrée - François de Beaulieu
Le troisième contact est celui du 16 novembre 2024 à nouveau dans le même secteur des monts d’Arrée. De très belles photos de nuit par pleine lune. C’est l’observation qui a permis d’avoir assez de détails pour servir de référence pour une identification affirmée d’un nouvel individu. Le sujet est dès lors nommé Loargann. Le contact de référence s’établit là avec un degré 5/5 de certitude.
Un quatrième contact avec ce loup se produit à nouveau dans les monts d’Arrée le 22 novembre2024. Une série de trois photos en couleurs est prise par un piège photo. Elles sont un peu floues mais c’est incontestablement Loargann. Le degré 4/5 de certitude s’y applique, mais c’est uniquement parce que le 5/5 est réservé à la seule observation de référence datée du 16/11. C’est lui sans aucune ambigüité.

Le 1er décembre 2024, se produit un cinquième contact une fois encore dans la même zone. C’est en journée, dans la lande. Le piège photo donne une image en contre-jour, mais c’est bien lui. 4/5 de certitude et même remarque que ci-dessus. C’est du sûr.
Loargann se signale encore le 22 décembre une sixième fois, toujours dans la même zone de landes, par de magnifiques photos et vidéos prises de jour. C’est Loargann sans hésitation. Le nombre de critères visibles explose les compteurs. Confirmation de la petite tache claire à la naissance de la queue. Les deux pleines lunes des taches maxillaires de face sont resplendissantes.
Enfin, le 1er janvier 2025, c’est le Graal à Beg Nénez en Guidel (56) ! Loargann change de département à la nage. Dans toute sa splendeur et magnifiquement photographié de jour, Loargann on the road again. L’identification est certaine à 100%.
Plusieurs questions viennent immédiatement à l’esprit. Qu’est-ce qui a précisément motivé cette reprise de la pérégrination après six mois de stabilité ? Les dérangements ont-ils été trop nombreux, trop intenses ? La ressource alimentaire se serait-elle raréfiée ? Reprendre ainsi le cours d’un mouvement de dispersion pourrait correspondre à l’approche de la période du rut des loups. Cela peut-il devenir une hypothèse à privilégier parmi d’autres ? Où se trouve-t-il à l’heure où s’écrivent ces lignes ? Aucune image, aucune observation étayée n’est encore venue nous en dire plus sur son parcours plus récent. Dans quelle direction ses pas le conduiront-ils ? L’avenir nous le dira peut-être… en images.

Parcours de Loargan du 19 août 2024 au 1 janvier 2025

Cinq autres loups repérés par autant de phénotypes
Le loup Loargann n’est pas le seul animal dont le profil phénotypique a pu être détaillé de façon opérationnelle par le protocole mis au point par Alain Jean. Les images engrangées depuis des mois sont déjà nombreuses. Et d’autres individus sont désormais repérés. Un prochain article détaillera l’histoire de leur identification.
Mais ce n’est pas tout : d’autres images viendront certainement. Tôt ou tard elles permettront de localiser ces individus et d’en savoir plus sur leur fréquentation des paysages bretons. Et de plus elles feront, n’en doutons pas, les présentations de nouveaux arrivants.