Une exceptionnelle rencontre au bord de la Laïta…
Une observation bien étayée et des enseignements à en tirer
Assurément, l’année 2024 qui vient de s’écouler aura été riche de nouvelles de toutes sortes en ce qui concerne la présence du loup dans les départements bretons. Et dès les premières heures de 2025, la nouveauté est encore à l’ordre du jour. Une observation visuelle, qui ne manquera pas d’être validée, vient de nous être transmise. Et celle-ci est dûment étayée ! Merci à son auteur. La chance a voulu sourire à un photographe amateur et à sa compagne qui ne s’attendaient certainement pas à croiser le regard d’un loup aux confins du Morbihan et du Finistère. Le Groupe Loup Bretagne, contacté illico par le photographe, est heureux de publier cette information en l’accompagnant d’un choix d’images sélectionnées parmi l’ensemble des photos de Philippe Gazeau, une autre série étant promise à un avenir médiatique différent.
Une extraordinaire rencontre
Comme une partie de nos concitoyens, au lendemain d’un réveillon, Philippe Gazeau et sa compagne consacrent un temps de la matinée à une balade hors des lieux quotidiennement fréquentés. Les deux promeneurs dirigent leurs pas vers la Laïta. Précisons pour le lecteur éloigné qu’il s’agit là du nom donné à ce vaste estuaire formé par la conjonction de l’Isole avec l’Ellé, au sud de Quimperlé (29). Le secteur soumis aux marées est riche de végétation et accidenté, offrant une belle diversité d’habitats à la faune sauvage.
Un loup qui ne nous semble pas inconnu
L’une des photos prises par Philippe Gazeau est explicite : il s’agit d’un mâle. On le sait, les premiers loups signalés dans une zone géographique nouvellement colonisée par des disperseurs sont le plus souvent des mâles. Il n’y a donc pas de surprise dans cette information. Même si l’arrivée d’une femelle n’était pas à exclure.
Au cours de l’été et de l’automne dernier, le Groupe Loup Bretagne a mis au point un outil permettant la reconnaissance ou la distinction des individus à partir de photographies ou de vidéos (voir notre article). Dix critères suffisamment fixes dans le temps permettent souvent et moyennant les conditions requises (nombre de critères observables) d’analyser des images et de déterminer selon un degré de fiabilité déterminé si deux loups captés par un dispositif photographique sont un seul individu ou deux différents.
A la lumière de l’analyse des critères observables sur les images produites lors de cette observation, il apparaît que l’animal en question présente en ensemble de caractères (un phénotype) similaire à un autre noté à plusieurs reprises dans le Finistère. Il s’agirait donc d’un individu déjà connu.
Le cas des photos d’empreintes
Le Groupe Loup Bretagne reçoit de nombreux messages par l’intermédiaire de l’outil « contact ». Nombreux sont ceux qui nous signalent l’observation d’empreintes de canidés. Il importe de préciser à nouveau que les empreintes de chiens et celles de loups sont suffisamment similaires pour que la validité d’une identification à partir d’une empreinte soit nulle. Bien entendu des distinctions théoriques existent et sont vérifiées statistiquement. Mais les conditions naturelles dans lesquelles un animal imprime ses pas sur un substrat qui en garde la trace sont telles que, en pratique, on ne peut jamais distinguer le loup du chien à partir d’empreintes isolées. Il suffit, pour s’en convaincre d’observer les empreintes laissées par son chien au cours d’une balade pour percevoir à quel point elles peuvent être déformées selon que le substrat est dur ou mou et selon l’allure de l’animal.
Sur ce sujet, reprenons simplement un passage de l’ouvrage de Jean-Marc Landry (2017) que nous présentons en page « Bibliographie ».
« L’empreinte du loup est difficile, voire impossible à distinguer de celle du chien. Des biologistes qui cherchaient une méthode visant à distinguer les empreintes des loups de celles des chiens, ont clairement démontré que la taille de l’empreinte ne suffit pas à faire la différence entre un loup et un chien de grande taille ».
L’empreinte du loup est difficile, voire impossible à distinguer de celle du chienJean-Marc Landry (2017)
La piste
En revanche, lorsqu’il s’agit de l’observation d’une piste, l’analyse peut donner un résultat valide. En effet, la démarche du loup et celle du chien diffèrent de manière souvent perceptible à certaines allures, le trot. Et c’est d’ailleurs un des moyens du suivi de l’espèce en milieu enneigé. Certes, la Bretagne n’offre guère de conditions favorables à ce type de suivi. Mais un estran sableux ou vaseux peut occasionnellement constituer un espace offrant sur une surface suffisamment étendue un substrat susceptible de conserver un ensemble d’empreintes constituant une belle piste.
Et alors que l’animal observé le 1 janvier 2025 perçoit les deux promeneurs, il s’arrête un temps puis fait demi-tour et s’éloigne. Le photographe et sa compagne examinent ensuite les lieux et réalisent des images des traces laissées par la scène qui vient de se jouer sur le rivage de la Laïta.
Sur l’une des photos transmises au Groupe Loup Bretagne, le sable de la rive a conservé une double piste. Plus proche de l’eau, les traces alignées régulièrement (flèches jaunes) racontent le cheminement tranquille du loup jusqu’au point où il s’arrête (ellipse verte). Et un peu plus haut, les empreintes se disposent selon le schéma différent de l’animal en fuite prenant le galop (ellipses bleues).
Conclusion
Cette observation rare et très bien documentée illustre les capacités de circulation de l’espèce avec un animal qui n’hésite pas à franchir un cours d’eau de plusieurs dizaines de mètres de large.
C’est l’occasion de rappeler que valider une observation de l’espèce sans preuve photographique reste très compliqué si on se base uniquement sur des indices indirects (empreintes, restes de repas…).
Le loup noté ici ayant déjà été contacté dans le Finistère, le Groupe Loup Bretagne détaillera, dans un article à venir, l’historique de ces observations et les enseignements que l’on peut tirer de leurs localisations successives.
Toutes les observations de loup validées en Bretagne sont visibles sur le site de l’Atlas des Mammifères de Bretagne.