Les loups stimulent la recherche
Feuilleton proposé par le Groupe Loup - Bretagne : Episode 9/12
Le retour des loups dans de nombreux territoires dont ils avaient été éliminés a suscité auprès de toute une génération de zoologistes un intérêt grandissant qui s’est traduit par de nombreuses publications scientifiques consacrées à l’espèce. Des coopérations internationales se sont mises en place, de même que des programmes de recherche internationaux impliquant de nombreux intervenants, ouvrant même le champ à de nouvelles disciplines.
L’Europe plus particulièrement a connu un fort développement des études scientifiques consacrées au loup (Tack, J., 2019). De nouvelles techniques ont permis des avancées en matière de connaissance (analyses génétiques, radio-pistage, pièges photographiques…). Une « plateforme de l’UE pour la coexistence entre les hommes et les grands carnivores » est désormais mise en place par l’Union européenne. Un groupe européen d’experts anime une organisation (« Large carnivores initiative for Europe ») qui collecte depuis 2010 des travaux scientifiques consacrés au loup, initiative qui recensait 276 publications en juin 2024 (LCIE 2024).
De nombreux organismes d’État mobilisent leurs agents pour assurer à la fois la protection à laquelle les loups ont droit en vertu des conventions et directives qui régissent le statut de cette espèce protégée, mais aussi la gestion des déprédations en effectuant des constats, des suivis et des expertises afin d’indemniser les éleveurs ayant subi des attaques sur leurs troupeaux.
Des associations de protection de la nature ont participé à la collecte et à l’analyse des données sur le loup. Des membres de ces associations ont pu développer une expertise sur des questions de biologie mais aussi en matière éducative pour faire mieux connaître l’espèce et engager des initiatives pour minimiser les conflits.
Du temps de l’omniprésence des loups précédant leur éradication, de nombreuses activités étaient directement consacrées au loup (piégeage, chasse, louveterie, pelleterie…). Beaucoup étaient destinées à les traquer afin de tenter d’en limiter le nombre. Il en est résulté la production de toute une littérature ainsi que d’innombrables œuvres artistiques ayant la chasse du loup pour sujet.
Aujourd’hui, la production scientifique et les actions destinées à permettre une cohabitation avec l’élevage ont heureusement remplacé l’ingénierie de la destruction, même si les tentations d’approches éradicatrices n’ont pas totalement disparu. On peut dire sans crainte de se tromper que le retour du loup a généré un grand mouvement de création et de partage des données à travers toute l’Europe.
Si des progrès décisifs en matière de connaissances scientifiques ont été réalisés depuis une vingtaine d’années, il en a été de même concernant les méthodes de protection des troupeaux. Il reste à espérer que l’ensemble de ces travaux visant à mieux connaître l’espèce et soutenus par une vaste production littéraire ou académique, diffuse au niveau de la sphère médiatique et du grand public, afin de présenter Canis lupus sous un jour qui ne soit pas exclusivement négatif ou fantasmé.
Services écosystémiques : une nouvelle discipline reconnue
Il ne faudrait pas imaginer que les services apportés par les loups à la société prise dans son ensemble se limitent à ce qui peut être monétisable et chiffrable en termes d’activité économique ou d’emploi. Le retour des loups sur nos territoires, du fait des nombreuses interactions qu’ils exercent sur l’ensemble des écosystèmes, s’accompagne d’autres services, inestimables ceux-là, au sens propre comme au figuré du terme. À ce sujet, une étude destinée à documenter l’ensemble des services écosystémiques apportés par le loup depuis son retour sur le Pays basque espagnol a été commanditée par le gouvernement de la Communauté autonome (Sáenz de Buruaga Tomillo, M. et al., 2020).
La situation au Pays basque espagnol est sensiblement comparable à celle que pourrait connaître la Bretagne. Le loup a en effet été absent pendant des décennies du territoire basque (Euskadi) et il se réimplante actuellement par les marges occidentales à partir de la province d’Álava. Dans ce rapport publié en 2020 sous la direction du Département développement économique, durabilité et environnement, les auteurs s’intéressent à la notion de services écosystémiques qu’ils définissent comme « l’ensemble des bénéfices directs ou indirects que les écosystèmes offrent à l’homme pour assurer son bien-être ainsi que le développement socio-économique ». Ils montrent combien le retour des loups et leur impact sur la biodiversité sont susceptibles de générer des biens et des services qui se révèlent profitables au fonctionnement de la société et à la qualité de vie.
Prochaine épisode (10) : Les loups diversifient la nature
Références bibliographiques :
Cet article peut être librement reproduit, partiellement ou en totalité et pour des usages non commerciaux, à la condition de n’être ni modifié ni adapté et d’être cité sous la référence de la publication d’origine : Jean, A.,GLB., (2024). Les effets bénéfiques de la présence des loups. Groupe Loup Bretagne, publié 3e trimestre 2024, 27 p. https://loup.bzh/ © 2024 Les auteurs, Alain JEAN, Groupe Loup Bretagne.
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