Les loups sauvent les arbres

Feuilleton proposé par le Groupe Loup - Bretagne : Episode 7/12

Le loup qui aimait les arbres d’Orianne Lallemand et Éléonore Thuillier, 2021.

La présence des loups, en modifiant le nombre et le comportement des grands herbivores fréquentant les forêts, peut exercer par effet de cascade une influence positive sur la sylviculture. Là où les cerfs et les chevreuils se sentent en danger de prédation, ils évitent de stationner trop souvent et de consommer les bourgeons et les jeunes pousses. Les jeunes arbres qui participent à la régénération des massifs forestiers pourront alors se développer librement. La régulation opérée par les loups sur les populations de cervidés a aussi comme autres conséquences reconnues des effets en cascade sur un certain nombre d’espèces végétales consommées par ces mêmes cervidés (Hecquet, R., 2020). Les sylviculteurs se félicitent en général de la présence des loups dans des domaines forestiers où les jeunes arbres subissaient de gros dommages du fait de la présence permanente de trop nombreux cervidés consommant les jeunes pousses.

Les lisières forestières aux feuillages assez denses pour cacher un prédateur instaurent le « paysage de la peur » qui met les chevreuils en alerte. En évitant ces zones de danger, les cervidés, comme ce chevreuil, permettent à un plus grand nombre de jeunes arbres de croître sans subir d’abroutissement (Photo Marc Monin)

On constate habituellement une meilleure régénération des jeunes arbres là où les cervidés subissent une prédation et c’est un service indirect mais remarquable rendu par les loups, bien qu’en sylviculture, la monétisation de tels services ne devienne effective qu’après plusieurs décennies. On a toutefois pu démontrer à l’occasion d’une étude effectuée en Pologne (Wójcicki, A. & Borowski, Z., 2023) que la présence de loups en milieu forestier conduisait les cervidés à stationner préférentiellement dans certaines zones alors qu’ils avaient tendance à en éviter d’autres. Ces zones de concentration sont souvent celles où une visibilité dégagée leur permettait de repérer à grande distance l’apparition d’un danger. Lorsqu’une telle zone correspond à une petite parcelle de plantation de jeunes arbres, ceux-ci peuvent même subir une pression d’abroutissement plus importante, contrairement à ce qui était attendu. À l’inverse, les zones proches des lisières des parcelles forestières de grande taille sont dotées de sous-bois plus touffus du fait de la lumière plus importante. Leur couvert végétal plus dense y réduit la visibilité, ce qui favorise l’approche par les prédateurs. Moins sûres et donc moins fréquentées par les cervidés, ces parcelles permettent une meilleure croissance des arbres, avec très peu d’abroutissement des jeunes pousses.

Les effets en cascade de la présence des loups sur le couvert végétal en milieu forestier sont avérés, ne serait-ce que par la baisse des effectifs des cervidés qui en est la conséquence, mais on doit s’attendre à ce que ces effets soient inégalement répartis. Ils dépendent étroitement de nombreux facteurs dont celui du « paysage de la peur » dont on a pu mesurer qu’il était capable d’agir à une échelle très fine.

Prochaine épisode (8) : Les loups soutiennent l’économie

Références bibliographiques :

Hecquet, R., (2020). Des loup, des cerf… et nous. CNRS. Le Journal. 26 févrer 2020.

Wójcicki, A. & Borowski, Z., (2023). The presence of wolves leads to spatial differentiation in deer browsing pressure on forest regeneration. Sci Rep 13, 17245.

Cet article peut être librement reproduit, partiellement ou en totalité et pour des usages non commerciaux, à la condition de n’être ni modifié ni adapté et d’être cité sous la référence de la publication d’origine : Jean, A.,GLB., (2024). Les effets bénéfiques de la présence des loups. Groupe Loup Bretagne, publié 3e trimestre 2024, 27 p. https://loup.bzh/ © 2024 Les auteurs, Alain JEAN, Groupe Loup Bretagne.

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