Les loups sauvent des vies
Deuxième épisode du plaidoyer pour le loup
Les résultats d’une étude scientifique menée aux États-Unis démontrent que les loups jouent un rôle mesurable en matière de sécurité routière. En régulant les effectifs des cervidés et en modifiant leurs comportements, les loups contribuent à éviter nombre d’accidents de circulation. Le coût des dommages aux troupeaux est peu élevé en comparaison de ce service rendu à la société, qui se traduit par des millions de dollars économisés et des vies humaines sauvées.
La sécurité routière est le domaine où le bénéfice sociétal de la présence des loups a été le mieux documenté. Il est en effet possible de modéliser leur influence à partir des bilans annuels des dommages aux biens et aux personnes causés par les collisions avec des ongulés sauvages.
Ces accidents entraînent parfois des drames humains et dans tous les cas, ils compliquent la vie, sont source de temps perdu, de tracas divers, de dépenses imprévues…
Une étude américaine de 2021 a comparé les conséquences de la présence ou de l’absence de loups sur le nombre et la nature des accidents survenant par collision entre véhicules et cervidés dans différents comtés de l’État du Wisconsin, au nord des États-Unis (Raynor, J.L., et al., 2021). Cette étude est particulièrement intéressante puisqu’elle ne porte pas, comme souvent, sur l’impact environnemental des loups dans de grands parcs nationaux comme Yellowstone, mais parce qu’elle s’intéresse aux pertes financières et aux atteintes aux personnes survenues dans des zones de leur vie quotidienne. Ses enseignements sont donc en partie transposables à l’Europe.
10,9 millions de dollars économisés par an grâce aux loups
Au cours de l’année de référence, l’État du Wisconsin avait dépensé 174 000 dollars pour compenser les dommages aux troupeaux alors que la présence des loups sur le même territoire avait réduit de 24 % le nombre des collisions entre véhicules et cervidés. Une réduction dont les auteurs estiment qu’elle représente un gain de 10,9 millions de dollars pour la collectivité.
Dans l’étude, le coût d’une collision avec un cervidé est estimé en moyenne à 9 960 dollars par accident. Il cumule les frais de réparation du véhicule, les services de remorquage et de police, la valeur monétaire de l’animal, l’enlèvement et l’élimination de la carcasse. Ce montant comprend également les manques à gagner, les frais médicaux, le coût des services d’urgence, des retards occasionnés, les frais professionnels, administratifs et juridiques, la douleur et la perte de qualité de vie.
Dans le cas du Wisconsin, le bénéfice financier généré par la présence des loups est donc 63 fois plus important que les dépenses engagées pour compenser la prédation et cela sur le seul poste de la sécurité routière. Il faut toutefois relativiser ce ratio si l’on décidait de le transposer à la situation prévalant en France. Il se trouve que le mode d’indemnisation des déprédations sur troupeaux du système français est parmi les plus généreux. Il indemnise en effet à la fois les mortalités dans les troupeaux de moutons où la responsabilité des loups a été dûment prouvée par des agents de l’Office français de la biodiversité (OFB), mais aussi celles où le doute subsiste (« loup non exclu »). Mais par ailleurs, les dommages aux véhicules et aux personnes font l’objet d’estimations beaucoup plus élevées aux États-Unis qu’en France. Il en va de même concernant le coût estimé d’un décès humain.
Le « paysage de la peur »
La principale conclusion de l’étude américaine reste cependant que l’effet positif tient pour une part à la réduction du nombre de cervidés par effet de prédation lié à la présence des loups, mais que ce n’est pas le facteur essentiel. Le facteur de loin le plus significatif dans la baisse du nombre des accidents est lié au fait que là où les loups sont installés, les cervidés fréquentent beaucoup moins les abords des routes car les loups les utilisent très régulièrement comme corridors de transit privilégiés. Cette présence a un effet dissuasif sur les cervidés en installant auprès d’eux ce qu’on a pu appeler le « paysage de la peur » (Laundré, J. W., et al., 2010). Par cette expression, on désigne les modifications de comportement des proies qui occupent différemment leur espace de vie pour tenir compte de la présence de prédateurs. Les abords des voies de circulation étant devenues des zones à risque pour les cervidés, on enregistre logiquement une forte baisse de la fréquence des collisions le long de ces axes.
On retrouvera l’influence de ce phénomène qui affecte le comportement des proies dans plusieurs des services attribués aux loups.
À suivre…
Références bibliographiques :
Résumé de l’article par The International Wolf Center sur les économies liées à la présence du loup