Protéger le loup c’est protéger l’espèce, protéger sa population, protéger les individus

Loup en captivité – www.ecologienoblet.fr

La toute récente découverte d’un loup gris à Berrien (Finistère) par Emmanuel Holder, le conservateur pour Bretagne Vivante des réserves naturelles des Monts d’Arrée n’est pas anodine. Nous aimerions que les prochaines le deviennent.

Le statut de protection du loup

Le statut du loup gris est celui d’une espèce classée vulnérable sur la liste des espèces menacées de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature. Comme le rappelle l’Office Français de la Biodiversité (OFB), il est protégé par la loi en France en vertu des engagements internationaux de notre pays. Canis lupus est inscrit sur l’annexe II de la Convention de Berne, ainsi que sur les annexes IV et II de la Directive Habitats Faune Flore de l’Union Européenne. Il apparait à l’article 2 de la liste des mammifères terrestres protégés sur l’ensemble du territoire.

Cependant, les textes législatifs et réglementaires prévoient des dérogations qui rendent possible l’élimination de loups dans des conditions particulières strictement définies. En France, la politique conduite sous la responsabilité de l’État recourt dans une mesure considérable à ces abattages. Mais les conséquences de ces tirs ne montrent pas une amélioration significative de la situation au regard des déprédations occasionnées par la présence du loup. Aussi cette politique est fortement décriée.

Le loup est donc protégé mais du fait de cette coûteuse et inefficace gestion de la situation, les naturalistes, écologistes et la très grande majorité de la population le savent : l’avenir de notre grand canidé sauvage reste menacé. Nous avons donc à protéger un animal… protégé. Voyons plus précisément de quoi nous parlons. Protéger le loup se décline selon trois niveaux : protéger les individus loups, protéger une population de loups, protéger l’espèce Canis lupus.

Protéger le loup détecté le 04 mai 2022 dans les monts d’Arrée

Depuis le 5 mai 2022, c’est devenu officiel : un loup fréquente les monts d’Arrée. S’il est le seul individu connu, l’avenir doit démontrer tôt ou tard qu’il ne le restera pas. D’autres viendront.

Nous devons d’abord rappeler que cet animal n’appartient pas à une espèce chassable. Tout acte visant à atteindre à son existence relèverait du braconnage. Nous comptons bien sur la vigilance des personnels de l’OFB dont nous savons la rigueur dans l’accomplissement de leurs missions. Les faits sont la matière sur laquelle ils travaillent. Des actes illicites ne devraient pas se produire, par définition.

Ce loup est aussi exposé à d’autres risques. Tout particulièrement, l’engouement suscité par l’annonce de sa découverte pourrait bien amener bon nombre de personnes voire de groupes à se diriger vers les monts d’Arrée dans l’espoir de l’observer, de le rencontrer, le photographier, le filmer. L’animal est craintif, et il ne faut pas espérer que ces tentatives soient couronnées de succès. En revanche une fréquentation accrue des espaces que fréquente le loup constituerait une source de perturbations importantes et susceptibles de devenir particulièrement dommageables. Laissons-le tranquille !

Aux Pays-Bas, des promeneurs et des touristes ont afflué vers la zone nommée Veluwe en 2019 à partir de l’annonce de l’installation d’une meute, la première du pays depuis sa disparition. La fréquentation est devenue si importante que les autorités ont annoncé quelles seraient amenées à des sanctions et de fait, des amendes ont été infligées. Pourtant, au printemps 2021, une louve a été tuée sur une autoroute. Les responsables du suivi ont alors avancé que cette louve gravide n’était pas sortie sur l’autoroute en pleine journée sans y avoir été poussée par des visiteurs trop pressants. Répétons-le : laissons-le tranquille !

Couverture du Télégramme de Brest du 6 mai 2022
"Répétons-le : laissons-le tranquille !"
Philippe Defernez, Groupe Loup Bretagne

Protéger la population lupine

Pour l’heure la population lupine bretonne se limite à un individu. Mais qui sait ? Il ne faudra peut-être pas longtemps pour qu’une autre donnée tombe, dans le même secteur ou ailleurs. Encore une fois, on ne peut raisonner que sur des faits vérifiables.

Si donc, protéger la population bretonne de loups revient à protéger l’individu unique connu, la problématique dépasse cette situation. Il importera toujours que l’on communique des informations sérieuses et que l’on contredise par des affirmations argumentées et contrôlables les contre-vérités et fake-news qui fleurissent déjà depuis longtemps, mais plus encore depuis quelques jours. C’est tout le sens des publications que le Groupe Loup Bretagne produit et diffuse à travers ce site et la page Facebook qui lui est associée.

C’est également dans cette optique que nous avons déjà sollicité les services de l’État afin qu’une rencontre soit organisée entre les divers groupes sociaux qui ont à s’exprimer sur le sujet. Si nous n’avons pas obtenu de réponse, nous n’y avons pas renoncé et prendrons encore des initiatives. L’enjeu concernant l’élevage est clairement identifié : la cohabitation.

Notons bien qu’on n’entend jamais le monde de l’élevage appeler à l’abattage systématique des chiens divagants qui s’attaquent aux troupeaux. Les déprédations dues aux canidés domestiques sans contrôle sont pourtant une réalité bien médiatisée en Bretagne. Des exemples très récents sont très faciles à retrouver dans la presse, y compris dans les Monts d’Arrée.

À l’évidence, le loup traine une charge de représentations fantasmatiques qui conduisent les uns ou les autres à adopter des positions déraisonnables.

Par ailleurs, un chien peut aussi être considéré par un loup comme une proie potentielle. Des exemples récents de prédation sur des chiens ont été enregistrés en Grèce et en Italie. Les propriétaires de ces chiens expriment bien sûr des émotions négatives et fortes. Il importe donc, là encore, de raison garder. Des moyens d’éviter ces circonstances regrettables sont de notre responsabilité : surveillons nos chiens, ne les laissons jamais divaguer.

Monts d'Arrée - François de Beaulieu

Protéger l’espèce

En tant qu’espèce, le loup gris (Canis lupus) pourrait être menacé dans son intégrité génétique si des hybridations se produisaient massivement. Les chiens sont les descendants de loups domestiqués ; et les croisements entre chiens et louves, loups et chiennes, sont féconds. Des rencontres entre loup et chienne, louve et chien, selon l’état physiologique des animaux et leurs caractères individuels, pourraient aboutir à des cas d’hybridation.

Il importe que les loups n’aient pas la possibilité de rencontrer des chiens divagants. On ne peut que demander à la population de veiller particulièrement à ne pas permettre que nos compagnons canins échappent au contrôle de leur maîtres.

Cela étant, certains ont voulu faire valoir l’idée qu’il n’existait pas de loups mais seulement des hybrides. Le fantasme de l’ennemi à abattre dont certains ont un besoin apparemment vital conduit parfois à des déformations gravement massives de la réalité. Les services chargés du suivi technique de la faune et les scientifiques n’ont pas laissé ces allégations délirantes sans contradiction. En 2017, l’ONCFS publiait le résultat d’une étude génétique : le taux d’individus relevant d’une hybridation récente ne dépassait pas 1,5 %.

Là encore, les représentations fantasmatiques voisinent facilement avec les mensonges. Le loup serait une menace pour la biodiversité ? Le loup ferait disparaître des espèces d’oiseaux ? Quel prédateur a éliminé l’ensemble de la population de ses proies jusqu’à faire disparaître une ou des espèce ? La réponse n’est pas longue à trouver et chacun la connaît déjà. Seul l’Homme se comporte ainsi.

C'est plutôt une bonne nouvelle de voir que le loup, en tout cas un animal, peut couvrir encore un tel territoire. La bonne nouvelle, c'est qu'en France, il y a des habitats qui sont encore favorables pour le loup. Et s'ils sont favorables pour le loup, ils sont forcément favorables pour d'autres espèces
Loïc Obled, Directeur général délégué de l'Office Français de la Biodiversité

On le voit, protéger le loup individu, la population de loups et l’espèce Canis lupus se rejoignent et se confondent, bien entendu, et ce d’autant que la population de cette espèce se compte à l’unité.

Désormais partie intégrante de la biodiversité bretonne, le loup est une espèce sauvage qui mérite d’être considérée comme toute autre espèce. Le Directeur général délégué de l’office français de la biodiversité le rappelait très récemment : « C’est plutôt une bonne nouvelle de voir que le loup, en tout cas un animal, peut couvrir encore un tel territoire. La bonne nouvelle, c’est qu’en France, il y a des habitats qui sont encore favorables pour le loup. Et s’ils sont favorables pour le loup, ils sont forcément favorables pour d’autres espèces »