Prédations sur brebis et annonce d’un « Plan Loup » local

Réactions du Groupe Loup Bretagne

Dossier « Loup » du Télégramme du 12 novembre 2022

Le Télégramme publie le 12 novembre un dossier qui présente l’actualité du loup dans le Finistère. Les informations principales sont : la survenue de prédations parmi le cheptel ovin de plusieurs communes des monts d’Arrée, l’attribution de ces dégâts au loup par l’Office Français de la Biodiversité et un train de mesures annoncées par les autorités représentant l’État.

Il en aura fallu du temps !

Le samedi 12 novembre, le Télégramme a publié une pleine page d’informations (confirmées par Ouest-France le lendemain) qui reposent sur l’annonce de prédations de brebis par le loup sur les communes de Lopérec, La Feuillée et Huelgoat ainsi que la publication d’une nouvelle image de loup prise au Cloître-Saint-Thégonnec.

Depuis mai dernier, le loup est présent en Bretagne. C’est dans le Finistère qu’il a été formellement détecté, dans les monts d’Arrée plus précisément.

Le Groupe Loup Bretagne, constitué deux ans auparavant regroupe des naturalistes bretons appartenant au Groupe Mammalogique Breton et à Bretagne Vivante qui travaillent à alerter les administrations, à anticiper les conflits avec l’élevage et à informer la population. Depuis, nous avons ainsi adressé de multiples courriers la DREAL et à la Préfecture de région, sollicitant la constitution d’une instance de concertation, restés sans réponse. Le lancement d’une concertation est donc une bonne nouvelle, mais aurait dû se produire avant que ne soient constatés des dégâts.

 

Les autorités prennent la situation en compte

La Direction Départementale des Territoires et de la Mer du Finistère a annoncé des mesures qui sont celles prévues dans le cadre de la gestion nationale de la situation liée à la présence du loup et en lien avec les activités d’élevage. Ainsi des mesures d’indemnisation des élevages touchés par des faits de prédation sont d’ores et déjà mises en place. De même, sont définies des aides financières à l’achat de matériels de protection des troupeaux.

Par ailleurs, la mise sur pied d’un comité de pilotage est annoncée. Il doit réunir des représentants des diverses composantes de la société concernées par la situation. Se trouveront donc sollicité(e)s pour en devenir parties prenantes des élu(e)s, des représentant(e)s d’associations issues du monde de l’élevage, de la protection de la nature et de la chasse qui auront à y rencontrer les services compétents de l’État. Le Groupe Loup Bretagne devrait donc être sollicité.

Attention, il n’y a pas de « Plan loup local »

La page publiée par le Télégramme comporte plusieurs articles. Parmi ceux-ci, celui qui conclut le dossier porte le titre ˮ Un premier « plan loup » déclenché ˮ. On est obligé de formuler une remarque d’importance. La situation du loup en France est gérée en fonction du Plan national d’Actions 2018-2023 sur le loup et les activités d’élevage. Il est nécessaire ici de préciser à nouveau que c’est le cadre réglementaire de référence qui définit les mesures à prendre par les autorités compétentes dans les territoires, au nom de la responsabilité de l’État. Il n’existe pas de plans locaux, départementaux, ni même régionaux. Mais la préfecture a annoncé la mise sur pied d’un comité départemental comme c’est le cas dans les autres départements concernés.

À l’heure où certaines voix réclament une gestion locale du loup, le vocabulaire n’est pas innocent. L’objectif de ces personnes est de permettre la définition de communes, de départements, voire de régions interdites au loup ce qui est contraire au statut de protection de l’espèce. Il convient de ne pas laisser s’installer des représentations contraires aux réalités légales, ce qui aurait pour effet (on ose espérer qu’il ne s’agit pas d’un objectif) d’habituer l’opinion publique et les différents acteurs à des pratiques opposées aux règles et engagements officiels.

La protection des troupeaux doit être effective

Les associations nationales qui œuvrent à la défense de l’espèce le répètent sans cesse : il ne suffit pas de décréter le financement de la protection des troupeaux. Il faut encore que la mise en œuvre des moyens techniques soit une réalité. Les filets ou grillages de protection sont-ils posés de manière à être efficaces ? Leur électrification est nécessaire. Enfin, leur hauteur est déterminante : 80 centimètres ne suffisent pas. La documentation existe. Elle est plus développée et accessible dans d’autres pays européens. Un exemple en est donné par le site suisse Carnivore Damage Prevention.

Rappelons aussi que bien des contrevérités sont colportées au sujet du loup.

Un loup, ou deux loups ?

Le 3 octobre dernier une caméra automatique à capté des images d’un loup au Cloître-Saint-Thégonnec. Le président de l’ACCA locale décrit « un gros loup mâle » qui « semble plus âgé que celui du mois de mai ». Et, basée sur ces commentaires, l’hypothèse d’un deuxième animal se fait jour très rapidement. Elle est même énoncée par le directeur de la DDTM. Mais prenons garde à ne pas aller trop vite et à ne pas sauter les étapes incontournables de la prise d’informations concrètes qui permettent une connaissance fiable de la situation.

Seules des analyses génétiques pourraient révéler la présence de deux animaux différents (ou une photo de deux individus simultanément présents devant l’objectif). On le sait : il est extrêmement difficile de différencier deux loups du même âge vus à la même saison. Or il est clairement établi que l’animal filmé en mai présentait un pelage en fin de mue déjà bien ras. Vers la mi-novembre, le poil d’hiver a poussé, long et protecteur. Il donne bien sûr à l’animal une silhouette beaucoup plus massive. Et par ailleurs, au début de mai, ce loup avait une silhouette de jeune adulte qui n’avait probablement guère plus d’un an. Au cœur de l’automne suivant, il s’est étoffé et a acquis son format pleinement adulte. Rien n’exclut donc que l’individu filmé le 3 octobre soit le même que celui du 5 mai.

 

Cette annonce doit être resituée à sa juste place : la présence de deux loups n’est qu’une hypothèse. Le développement de la connaissance doit s’appuyer sur la collecte d’indices selon des protocoles précis que l’OFB et les naturalistes sont à même de conduire et qui permettront des analyses génétiques.