Le loup sauve le sauvage
Feuilleton proposé par le Groupe Loup - Bretagne : Episode 12/12
Les bénéfices sociétaux considérables apportés par la présence des loups sont aussi bien économiques que symboliques. Il serait temps que les pouvoirs publics en prennent toute la mesure. Mais l’enjeu va encore bien au-delà : il s’agit aussi de comprendre grâce au loup combien il est important de laisser au monde sauvage toute la place qui lui revient.
Il faut en finir avec notre approche essentiellement éradicatrice et mortifère. Il est impératif de préserver le vivant dans toutes ses dimensions, même celles qui semblent apparemment les plus étrangères ou les plus sauvages. Ce que les loups apportent aux hommes ne s’arrête pas aux seuls bénéfices mesurables par un bilan comptable, même si on a vu que ces bénéfices existent, qu’ils sont nombreux, qu’ils peuvent atteindre des montants considérables allant même, on le sait maintenant, jusqu’à sauver des vies humaines.
Les services écosystémiques qu’ils rendent à la société sont un vrai motif pour plaider en faveur des loups et il était nécessaire d’en présenter un premier inventaire. Mais la valeur du loup tient aussi et tout simplement à lui-même et c’est à cette part du sauvage à laquelle il convient de faire aujourd’hui la place qui lui revient de droit.
Faire un bilan honnête et objectif des conséquences négatives mais aussi positives du retour du loup est une démarche qui ne va pas de soi tant nos émotions et nos affects engagent nos prises de position. Les dommages causés par certains loups à certains secteurs d’activité sont bien réels. Ils sont immédiatement constatables et désespèrent les éleveurs concernés qui n’ont pas réussi à protéger leurs bêtes et ne savent pas comment se défendre alors que le loup est une espèce protégée.
La notion de possession n’a pas, dans la nature, le même sens que dans notre droit romain, où le berger est de droit « propriétaire » de ses brebis. Sur le territoire des loups, comme le fait très justement remarquer Baptiste Morizot, le loup de son point de vue n’est pas en faute. Il ne fait qu’appliquer des règles pratiques semblables à celles du code viking qui légitimait jadis leurs pillages :« Tu ne possèdes effectivement que ce que tu peux protéger. Tout le reste appartient effectivement à celui qui a la force et la ruse de le prendre. […] Ce que tu ne sais protéger ne t’appartient pas » (Morizot, B., 2018).
Mais les nuisances que cela implique ne doivent pas faire oublier tout ce que les loups peuvent apporter par ailleurs de positif par leur incontestable utilité sociale. Pour cela, ils méritent aussi d’être protégés.
Le rôle de la puissance publique est d’apporter toute l’aide nécessaire à ceux qui se trouveraient lésés tout en se portant garante du statut de protection du loup de façon générale. C’est pourquoi les autorités doivent commencer à établir, elles aussi, un bilan objectif de l’utilité sociale du loup, bilan qui mette, en regard des coûts, les économies et les gains obtenus en parallèle. Au vu du résultat à coup sûr très positif, il paraîtra alors raisonnable d’investir suffisamment pour en réduire encore les coûts par une prévention plus efficace.
Ce n’est que sur la base de cet équilibre que pourra s’établir entre l’homme et le loup le principe d’une cohabitation qui bénéficie à tous.
Références bibliographiques :
Morizot, B., (2018). Sur la piste animale. Actes Sud. Arles. 205 p.
Cet article peut être librement reproduit, partiellement ou en totalité et pour des usages non commerciaux, à la condition de n’être ni modifié ni adapté et d’être cité sous la référence de la publication d’origine : Jean, A.,GLB., (2024). Les effets bénéfiques de la présence des loups. Groupe Loup Bretagne, publié 3e trimestre 2024, 27 p. https://loup.bzh/ © 2024 Les auteurs, Alain JEAN, Groupe Loup Bretagne.
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