Les loups protègent le bétail des maladies
Feuilleton proposé par le Groupe Loup - Bretagne : Episode 5/12
Des études ont démontré que la présence des loups avait déjà entraîné une réduction significative de plusieurs maladies contagieuses sévissant en Europe dans certaines régions d’élevage de bovins et de porcins. En éliminant en priorité les proies sauvages contaminées et affaiblies qui pourraient transmettre la tuberculose bovine ou la peste porcine africaine aux animaux d’élevage (respectivement en Espagne et en Slovaquie), les loups ont pris une part active à la lutte contre ces maladies qui sont l’objet de coûteuses campagnes de prophylaxie en France. Un enjeu sanitaire et financier qui se chiffre en millions d’euros.
On connaît le rôle des loups en matière de régulation des effectifs d’ongulés sauvages (en Bretagne, ces ongulés sont principalement les chevreuils et les sangliers) qui forment une part essentielle de leur régime alimentaire. Or il se trouve que les ongulés sauvages sont à la fois porteurs et vecteurs d’un certain nombre d’agents pathogènes et de parasites susceptibles d’affecter aussi les animaux domestiques avec lequel ils peuvent entrer en contact par voisinage. Les risques de zoonose (transmission à l’homme) sont le plus souvent limités, mais certaines de ces maladies, si elles se développent dans le cheptel, peuvent avoir de lourdes conséquences à la fois sanitaires et économiques. On citera parmi celles-ci la tuberculose bovine, la brucellose ou encore la peste porcine africaine.
La tuberculose bovine, un fléau sanitaire pour les élevages bovins
La tuberculose bovine, qui produit un affaiblissement des individus atteints, a très longtemps été un problème majeur dans le cheptel bovin en France. Dépister, puis éliminer les animaux porteurs, quand ce n’était pas des troupeaux entiers, a été vécu dans le monde de l’élevage comme une œuvre nécessaire autant que difficile et de longue haleine.
La France a finalement acquis le statut « officiellement indemne de tuberculose » à Mycobacterium bovis depuis 2001, malgré la persistance de quelques foyers résiduels (Anses, 2013). L’obtention et le maintien de ce statut est très important pour les éleveurs et au-delà pour toute la filière économique, la qualification sanitaire des exploitations permettant de mieux valoriser la production et d’autoriser les exportations. Le coût de la surveillance et de la lutte contre la seule tuberculose bovine en France se monte à 22 millions d’euros par an (Hénaux V., et al., 2017). On sait d’autre part que les ongulés sauvages qui en sont occasionnellement porteurs peuvent contaminer les bovins en pâture. À l’origine, ce sont même les bovins qui leur ont apporté la maladie, une maladie qui peut donc circuler dans les deux sens.
Les loups, auxiliaires de la lutte contre la tuberculose
Pour lutter contre le portage de la tuberculose bovine par les mammifères sauvages, le retour des loups pourrait apporter une première réponse. Il a en effet été constaté que la présence de loups sur un territoire où sévissait la maladie avait un impact significatif sur la diminution de l’incidence de la tuberculose lorsqu’elle circulait aussi chez les bovins. Du fait de l’action très sélective des loups qui chassent en priorité les animaux affaiblis, qu’il s’agisse d’ongulés herbivores ou de mésoprédateurs comme les renards ou les blaireaux qui peuvent être eux aussi porteurs et se révéler contaminants, ce sont ces proies affectées par la maladie qui se trouvent préférentiellement éliminées sur les territoires occupés par des meutes de loups.
Il a un temps été question, pour aborder le problème de la tuberculose bovine chez les carnivores sauvages, de confier la régulation des renards et des blaireaux aux instances cynégétiques. Historiquement, les résultats ont été mauvais et parfois même contre-productifs, l’élimination aléatoire par les chasseurs d’animaux sains qui étaient rapidement remplacés par des sujets malades ne faisant qu’augmenter l’incidence et l’extension de la maladie, comme on l’a constaté dans la lutte contre la rage vulpine où la vaccination orale s’est révélée la seule méthode satisfaisante (EFSA, 2015).
Un exemple significatif du rôle sanitaire de la présence des loups est venu d’Espagne dans les Asturies, où le sanglier est un réservoir de tuberculose dans la faune sauvage : en 14 ans, le seul doublement des effectifs des loups et de leur pression sélective de prédation sur les sangliers a permis de faire passer la prévalence de la tuberculose de 17 % à 3,8 % au sein du cheptel bovin (Tanner, E., et al., 2019).
L’exemple espagnol illustre un fait aujourd’hui reconnu : les loups assurent discrètement une régulation sanitaire très efficace parmi les populations de mammifères sauvages en éliminant les porteurs de maladies qui peuvent aussi s’avérer contagieuses pour le cheptel domestique. Ce service rendu gratuitement ne pourrait pas être effectué avec autant de succès par l’homme, qui en bénéficie généralement sans le savoir. Les enjeux économiques sont, là encore, considérables. Une résurgence en France de la tuberculose bovine à partir de foyers incontrôlés au sein de la faune sauvage pourrait avoir des conséquences dramatiques sur les filières des élevages concernés. Les pertes se chiffreraient alors en dizaines de millions d’euros.
La peste porcine africaine (PPA) est une autre maladie contagieuse affectant les sangliers et les porcs, qui peut circuler parmi les élevages porcins, ce qui entraîne toujours de sérieuses conséquences économiques. En Slovaquie, pays touché récemment par une épizootie de PPA, il a été remarqué que les élevages porcins situés dans des zones où les loups étaient présents étaient quasiment indemnes de la maladie. Là encore, la sélection en amont opérée par les loups sur les populations de sangliers porteurs semble avoir permis de limiter la dissémination du virus (Besombes, C., 2023). Une population lupine stable pourrait donc utilement constituer une forme d’assurance pour prévenir certaines épizooties qui, sans cette présence, pourraient rapidement entraîner des désastres sanitaires.
Prochaine épisode (6) : Les loups aident les agriculteurs… et les chasseurs
Références bibliographiques :
Cet article peut être librement reproduit, partiellement ou en totalité et pour des usages non commerciaux, à la condition de n’être ni modifié ni adapté et d’être cité sous la référence de la publication d’origine : Jean, A.,GLB., (2024). Les effets bénéfiques de la présence des loups. Groupe Loup Bretagne, publié 3e trimestre 2024, 27 p. https://loup.bzh/ © 2024 Les auteurs, Alain JEAN, Groupe Loup Bretagne.
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