Des ânes contre les loups ?

Duo de protection Âne et Chien de race Cão de Gado Transmontano dans le Jura (photo Franck Simonnet)

Non, nous n’allons pas vous parler de ceux qui qui se sont ligués pour détruire le statut de protection du loup en Europe. Car il y a ânes et ânes. Les uns peuvent jouer un rôle en matière de protection des troupeaux d’ovins au même titre que les chiens de défense. Pour les autres les qualificatifs ne manquent pas, au choix (non exclusif) : ignorants, inconséquents, populistes, etc…

Baudet du Poitou. Dessin J.-P. Lamerand

Plusieurs éleveurs ont déjà intégré des ânes à leurs troupeaux de moutons pour les protéger des attaques de chiens errants ou de loups. Dernier en date mis en valeur par la presse (Ouest-France, 24 juillet 2024), Benoit et Marine Huntzinger, installés à Chemillé-en-Anjou (Maine-et-Loire) depuis 2018, ont intégré un baudet du Poitou à leur troupeau de moutons de Belle-Île (belle alliance entre deux races à petit effectif). Au terme de trois années d’expérience, il apparaît que l’âne (qui peut vivre jusqu’à 25 ans) a quasiment fait cesser les prédations par les chiens errants ou les renards. Ne doutant pas que le loup sera un jour ou l’autre présent dans Maine-et-Loire, le couple est persuadé que son ânesse saura défendre le troupeau. Elle présente deux avantages majeurs par rapport aux chiens de défense : elle est herbivore comme les moutons et n’est pas tentée de s’en prendre aux humains imprudents qui s’approcheraient.

Un précieux témoignage collecté à Scrignac (Finistère) par Gurvan Lozac’h auprès de Jeannine Guyader, née Ménez en 1933, souligne que ce moyen de défense n’est pas une innovation : « L’âne, lorsqu’il voit le renard ou le loup venir, ou un chien, il l’attaque ! Il grandira aussi auprès des moutons » (« An asen, pa wel ar lou(a)rn pe ar blei ’tond, pe ur c’hi, ’h ey daoñ ! Heñ gresko da-heul an deñved ’è »). Jeannine Guyader expliquait que quelqu’un avait pris un âne pour défendre ses moutons, car si l’âne est élevé parmi les moutons, il les protégeait par la suite.

Une des rares photographies d’un âne des monts d’Arrée prise vers 1910. Il tire la charrette d’un couple de chiffonniers (collection Le Doaré).

En effet, comme pour le chien de protection, la lignée et les conditions d’éducation de l’âne sont cruciales : il faut une souche qui réagit aux canidés et l’ânon doit grandir dans le troupeau et s’y attacher. En revanche, il doit être semble-t-il seul de son espèce au risque de se désintéresser du bétail à protéger.

Et la Bretagne n’a pas le monopole de cette tradition, bien entendu, ni même de sa réactivation : dans d’autres régions, des éleveurs ont aussi opté pour cette approche en complément des autres. Dans le Jura, une expérience de couplage âne – chien de protection s’avère prometteuse : l’âne stimule la réaction du chien face à l’intrusion d’un autre canidé et leur duo facilite le passage des animaux de protection d’un lot de génisses à celui de l’année suivante.